jeudi 25 avril 2013

Une enfance curieuse et gourmande

Née en 1949, j'ai eu tôt la chance de goûter à un art culinaire qui, quoique sobre et peu varié, s'avérait bienfaisant et souvent généreux, tout en procurant une rapide et longue satiété. Cet art saisonnier perpétué par les mères au foyer dont le rôle était, hélas, trop rarement reconnu, enracinait dès son plus jeune âge l'enfant dans son environnement.
Hormis de rares extras (par exemple, l'orange à Noël), ce qui se présentait sur les tables était quasi totalement issu du pays ou des lieux proches, fermes, vergers, champs, potagers et basse-cours. Les truites pêchées dans une rivière ou un étang voisin arrivaient jusque dans nos assiettes. Le lait cru tout frais était encore acheminé au sein des maisons par les fermiers. Bien que l'on ne parle pas de végétarisme à l'époque au sein des familles, la viande n'apparaissant que rarement au repas et la modération alimentaire était de mise.
Chaque produit était alors connu des petites filles qui, curieuses des pratiques de leurs mères et grand-mères, apprenaient comment assurer l'entretien de la santé de leur future famille et la continuité de ce rapport intime à son environnement.
Je naviguais de la ville qui m'avait vue naître à la proche campagne, arrêtant mes pas auprès des hommes et des femmes dont l'âge me disait qu'ils avaient connu la dernière guerre, voire celle qui l'avait précédée, et qui s'étaient forgé une philosophie permettant de vivre simplement les moments de bonheur.
Dans mon quartier populaire, il planait dans l'air des promesses d'un avenir meilleur, et les sourires s'affichaient de plus en plus. L'élan de la société vers plus de confort permettait une meilleure santé morale, mais dans le même temps, voyait les liens producteurs-consommateurs se distendre.
J'attrapais au vol la truculence du verbe surgissant inopinément, avec une joyeuseté timide, qui m'apparaissait tout de suite être celle d'une époque qui se libérait de la peur.
Sans cesse à l'écoute et observant ces gens, leurs gestes,.., je saisissais une métaphore lancée au ciel qui s'éclaircit ou détermine le moment propice aux semis, d'une autre qui incitait à se resituer dans la saison, d'anecdotes liées aux plantes envahissantes qu'il faut arracher au printemps et laisser en place à l'automne pour faire manteau à l'hiver...
Goûtant au coeur du mois d'aout aux dernières prunes douces et sucrées que je laissais longuement fondre sous mon palais, j'affirmais que le fruit longuement mûri au soleil de l'été était la plus savoureuse des friandises.


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